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Contrairement à ce que laisse entendre la polémique française sur le sujet, le genre n’est pas un phénomène récent. Largement relayé sur la scène médiatique depuis 2011 et son instauration dans les manuels de SVT (sciences de la vie et de la terre),  c’est un concept utilisé depuis longtemps aux Etats-Unis. Les Etudes sur le genre ont débuté à partir des années 1930 et elles ont largement été reprises depuis, avec des buts différents selon les époques et les protagonistes.


Dans un premier temps, les chercheurs qui se positionnent sur le sujet cherchent à distinguer le sexe biologique du rôle social. Mais les années 1970 marquent un tournant. A partir de là, ce sont surtout les féministes qui s’emparent de cette question pour dénoncer le rôle qu'est donné à la femme dans la société et lutter contre les inégalités de sexes. S’appuyant sur la célèbre phrase de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient », les féministes critiquent la responsabilité de la société dans l’orientation des enfants dans leur futur rôle d’homme ou femme.


Les études de Judith Butler sur la question marquent une certaine rupture. Elle aussi pro-gender et symbole de la Queer theory, la philosophe américaine a poussé ses convictions encore plus loin. Dans Gender trouble, son ouvrage paru aux Etats-Unis en 1990, vendu à plus de 80 000 exemplaires, elle remet en cause le rôle du sexe biologique dans la construction sociale. Elle refuse toute nature masculine ou féminine, trop réductrice au moment d’évoquer les homosexuels ou les transgenres. « Nous n'avons jamais une relation simple, transparente, indéniable au sexe biologique. Je pense aux personnes dont le genre ou la sexualité a été rejetée et je voudrais aider à l'avènement d'un monde où elles puissent respirer plus facilement », expliquait-elle dans une interview pour L’Obs. « On peut être femme au niveau biologique, mais s'inventer un genre d'homme et ressentir un désir homo, hétéro, bi ou même asexuel ».  Son livre lui a valu quelques critiques et de nombreux opposants. Preuve en est, il a mis 15 ans avant d’être publié en France, les éditeurs ne voulant pas se risquer à commercialiser un ouvrage aussi polémique.


« Genre », un mot qui fait débat


A cette époque, le genre est en vogue au point de devenir un sujet d’étude dans les universités américaines. Cependant, en France, le terme n’est pas encore utilisé. Les experts français préfèrent parler de « différences sexuelles » pour aborder cette question des inégalités. Même s’il a fini par rentrer dans les mœurs de la langue de Molière, au détour des années 1990, la traduction reste, encore aujourd’hui, ambigüe et sa définition, floue. « Il a même fallut expliquer à certains ministres ce qu’était le genre », se souvient la députée PS Catherine Coutelle.


Corinne Bouchoux, sénatrice Europe écologie-Les Verts nous explique que les problèmes de traduction ont joué un rôle dans la polémique et entretenu un climat de doute autour du sujet dans la population française, en déficit de connaissances sur le sujet.

Des origines à la polémique

Des études de genre à la théorie du genre


Aujourd’hui, les études de genres sont connues de tous et défendues par la plupart. Béatrice Bourges, la porte parole du Printemps français, les juge nécessaires et les distingue bien de ce qu’elle appelle « l'idéologie du genre ».

A travers cette théorie, ses opposants visent l’arsenal de mesures mis en place par le gouvernement et la loi Peillon sur la refondation de l’école républicaine, qui selon eux, permettrait aux enfants de choisir s’ils sont des filles ou des garçons. Plus précisément, « cette théorie consiste à nier la réalité biologique pour imposer l’idée que le genre "masculin" ou "féminin" dépend de la culture, voire d’un rapport de force et non d’une quelconque réalité biologique ou anatomique », comme l’explique l’Observatoire de la théorie du genre. Les pro-gender, à l’image de Marie-Cécile Naves dénonce ces arguments, les jugeant trop réducteurs. « Quand on parle de théorie du genre, on décrédibilise les études de genre, comme ci c’était une simple idéologie sans fondement scientifique », regrette la chercheuse à France Stratégie. Voilà pour la forme. Corinne Bouchoux fait quant à elle une analyse de fond pour pointer du doigt ce qui ne tient pas la route dans les arguments des anti-genders. « Ceux qui combattent activement le concept de genre explique qu’on souhaite nier les différences biologiques entre les hommes et les femmes. Alors que ce n’est pas vrai. Nous essayons juste de dire qu’il y a des différences biologiques mais qu’il y a aussi des constructions sociales beaucoup plus déterminantes » développe la sénatrice.


La polémique « théorie du genre »

Comme le démontre cette frise chronologique, le débat, qui a débuté en 2011 s’est dissipé à partir de l’été 2014, quand Benoit Hamon a annoncé la fin de l’expérimentation des ABCD de l’égalité. Durant cette période, le climat de tension aura atteint son paroxysme à deux reprises.


La première fois en février 2013, quand Julie Sommaruga, député PS des Hauts de Seine a déposé son amendement 421. Il avait pour objet « l’intégration dans la formation dispensée dans les écoles élémentaires d’une éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la déconstruction des stéréotypes liés au genre ». Trop présents en milieu scolaire, ces stéréotypes se reproduisent dans le monde adulte en termes d’emplois, de salaires et de valeurs, en défaveur des femmes. Cette lutte passe par la sensibilisation au fait que rien n’est figé, et surtout qu’aucune voie n’est tracée, quelque soit le sexe. La commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale adopte ce projet de loi avec l’amendement le 28 février 2013.


D’emblée, les anti-genders dénoncent cette loi qu’ils jugent dangereuse pour les enfants. L’apparition du mot « genre » pose problème. L’Observatoire de la théorie du genre y voit la légalisation de « la théorie du genre ». Il met immédiatement en place une pétition pour faire retirer cet amendement qui est retoqué par le Sénat. L’expression « égalité des genres » est remplacée par « égalité fille-garçons ». Malgré une tentative de la députée écologiste Barbara Pompili de réintégrer le terme « genre » dans la loi, sans succès, elle est validée le 8 juillet 2013.


Les deux vidéos suivantes mettent en contradiction les arguments de chacun des deux camps concernant cet amendement.

Le second point d’achoppement de cette controverse concerne l’expérimentation des ABCD de l’égalité. Ce sont des outils pédagogiques à disposition des professeurs, de la maternelle au CM 2. Dans ces mallettes se trouvent des exercices permettant de sensibiliser les élèves à l’égalité entre les filles et les garçons et de lutter contre les stéréotypes de genre. L’expérimentation débute à partir d’Octobre 2013 mais ses opposants ne montent aux créneaux qu’à partir de janvier 2014. L’action la plus retentissante est la journée de retrait de Farida Belghoul. Et elle n’est pas la seule à les combattre. L’Observatoire de la théorie du genre communique également beaucoup sur le sujet. Pour son porte parole, Olivier Val, « ils n’ont aucun lien avec la réalité ». Pour lui, plutôt que de réduire les inégalités, ils les augmentent… en défaveur des garçons, déjà les principales victimes du système éducatif actuel.

Lexique

 

« On peut être pour les études de genre, mais pas forcément pour le fait qu’il y ait des genres », tente d’éclaircir Marie-Cécile Naves. Plus que jamais, quand on parle de genre, le vocabulaire est une notion importante. Les termes employés à travers cette étude, en français et en anglais, peuvent provoquer des confusions. Il est donc important de définir les principales expressions utilisées. Une définition simple et concise, mais très utile avant d’entrer dans le vif du sujet.

 

Genre : ensemble d’êtres ou de choses ayant un caractère commun. Dans cette étude, les genres que nous étudions sont le masculin et le féminin.

 

Anti-gender : mouvement qui dénonce l’instauration de la théorie du genre à l’école. Ce mouvement rassemble différents groupes qui n’ont pas les mêmes objectifs et arguments (voir partie 4).

 

Pro-gender : mouvement favorable aux études de genre  et à l’égalité entre les filles et les garçons dès le plus jeune âge.

 

Gender studies (études de genre) : un champ d’étude et de recherche consacré aux constructions sociales des identités, représentations et différences entre les hommes et les femmes.

 

Women’s studies : champ d’étude interdisciplinaire qui explore société, politique et histoire à travers des perspectives féminines ou féministes. 

 

Féminisme : mouvement défendant les droits des femmes dans la société et qui vise à appliquer une égalité totale entre femmes et hommes.

 

Queer theory : théorie qui différencie le sexe (mâle/femelle) et le genre (masculin/féminin). La traduction du terme « queer » pourrait être « étrange, peu commun », une insulte contre les gays et lesbiennes. 

Si cette chronologie ne s'ouvre pas, vous pouvez l'ouvrir en cliquant ici

"La traduction de gender à genre est un appauvrissement du concept"

C. Bouchoux

"Les études de genre, c'est sociologique et extrêmement bienvenu. Ce serait absurde de les combattre"

B. Bourges

"Les stéréotypes de genre se mettent en place dès la naissance"

MC. Naves

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Du rose pour les filles, du bleu pour les garçons. La question de la couleur est sans doute le stéréotype le plus important pour manrquer la différence entre les filles et les garçons.